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Origine du karst de la Gervanne

En 2005 et 2006, à cause des projets de pompage, on a souvent parlé dans notre vallée du karst de la Gervanne. Pour beaucoup d’entre nous, le terme de karst, de consonance un peu étrange, ne signifie peut-être pas quelque chose de très précis. Voilà donc quelques précisions sur le karst, sa définition et son origine.

Initialement, le Karst est une région de l’ex-Yougoslavie (actuellement en Slovénie, à la frontière italienne) ; c’est là-bas que les géographes ont défini pour la première fois le relief, ou mieux, le « modelé » caractéristique de ce type de paysage ; ils lui ont finalement donné le nom de cette région. Les régions karstiques sont nombreuses en Europe, où elles constituent 13,5 % du territoire, contre environ 3 % en Afrique, Asie et Amérique.

Alors, un paysage karstique c’est quoi au juste ?

C’est un type de relief qui se rencontre principalement dans les pays calcaires et qui est essentiellement dû à l’action des eaux de pluie (qui sont par nature acides, car chargées en gaz carbonique) qui dissolvent le calcaire. Les sous-bois forestiers, très acides car riches en humus, favorisent également la dissolution de ces roches. Ces eaux sont capables de dissoudre plusieurs centaines de milligrammes de calcaire par litre.

Le karst présente une partie visible en surface (relief) et une partie souterraine que ne connaissent que les spéléologues. L’eau de pluie et de fonte des neiges s’infiltre sur les plateaux, car le calcaire est fissuré (Lapiés : rainures de corrosion dans la roche ; Dolines : dépressions circulaires colmatées par de l’argile ; Avens : entonnoirs qui débouchent sur des puits, comme on peut en observer au col de Carri ou au plateau d’Ambel) ; les ruissellements élargissent les fissures, l’eau circule sur de longues distances dans des rivières souterraines parfois sur plusieurs étages, réapparaît dans des résurgences, creuse des canyons, redépose une partie du calcaire qu’elle a dissous, parfois sur des mousses pour donner des tufs (gorges d’Omblèze) qui ont servi à faire des encadrements de portes et de fenêtres, car c’est une roche poreuse et vacuolaire qui se travaille facilement, ou sous forme d’encroûtements calcaires qui cimentent les galets en couches concentriques sur les berges des rivières (comme on peut en observer sous forme de « trottoirs » sur les berges de la Gervanne entre la chute de la Druise et les Deux-Eaux).

Mais pourquoi tant de roches calcaires ici au Vercors et si peu à côté plus à l’ouest et plus au sud ? Et comment se forme cette roche calcaire ?

C’est là qu’il faut questionner l’histoire géologique de notre région. A l’ouest du Rhône se trouve le Massif Central, constitué de granite, de gneiss et de schistes, qui s’est formé il y a plus de 300 millions d’années à la fin de l’ère primaire et qui a été fortement usé et aplani depuis. Il n’a jamais été recouvert par des mers ou des océans depuis. Ce qui n’est pas le cas de toutes les régions ce qui se situent à l’est du Rhône (Vercors, Préalpes du sud, Provence) et au sud du Massif Central (Basse-Ardèche, Causse).

Il y a une centaine de millions d’année, dans la deuxième partie de l’ère secondaire, une mer chaude a envahi un immense territoire situé à l’est et au sud-est du Massif Central (les Alpes n’existaient pas encore à cette époque !) et sur le talus continental de cette mer, adossés au Massif Central, à l’emplacement de la Basse-Ardèche, du Vercors, du Dévoluy et des massifs subalpins situés plus au Nord (Chartreuse, Bauges, Aravis), se sont constitués des récifs construits sur de très grandes épaisseurs.

Plus au sud, la mer était beaucoup plus profonde et formait une fosse où se sont accumulées des argiles et des marnes sur d’énormes épaisseurs (Diois, Baronnies). Les calcaires qui vont former plus tard les karsts se sont donc constitués sur ce talus continental, dans des eaux peu profondes, chaudes et bien oxygénées, où proliféraient des milliards d’organismes marins. Ceux qui ont constitué les calcaires du Vercors et des gorges de l’Ardèche étaient principalement des mollusques à deux valves (lamellibranches) qui vivaient en très importantes colonies. Tous ces différents organismes marins (coquillages, algues unicellulaires, coraux, etc.) ont la particularité d’extraire le calcium contenu dans l’eau de mer et de synthétiser de la calcite et en araginite (deux formes cristallines différentes du carbonate de calcium CaCO3) pour leur coquille ou leur squelette. A leur mort, ces coquilles ou et squelettes s’accumulent et si cette activité dure des millions d’années, des couches de plusieurs centaines de mètres peuvent se former à partir de ces milliards de restes ; on parle alors de roches biochimiques, car elles nécessitent la vie d’organismes vivants pour se former.

Plus tard, dans la seconde partie de l’ère tertiaire, il y a quelques dizaines de millions d’années, quand les Alpes se sont formées, ces couches marines, qui ont auparavant été durcies, se sont surélevées de plusieurs milliers de mètres et se sont plissées pour donner les massifs que nous connaissons (le Vercors et la Chartreuse en particulier). C’est surtout durant l’ère quaternaire, qui a duré les deux derniers millions d’années de l’histoire de la terre, que l’action des eaux de pluie et de fonte des neiges a permis de former le karst du Vercors dans son aspect actuel, même si certains canyons ont commencé à se creuser auparavant.

Bernard Moulin, LOZERON 

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