Peut-être aurez-vous aperçu cet été un grand oiseau blanc aux ailes bordées de noir cercler majestueusement au-dessus des falaises de la Gervanne (Vercors méridional) ? A distance on le prendrait presque pour une petite cigogne tant les contrastes du plumage sont frappants. De plus près, tout doute s’estompe : une tête orange vif engoncée dans une collerette de plumes blanches, une queue cunéiforme…  Il ne peut s’agir que du fameux percnoptère d’Egypte (Neophron percnopterus), petit vautour migrateur, gravement menacé de disparition en Europe et sur l’ensemble de son aire de distribution (pourtour du bassin méditerranéen, Afrique, Asie). Au siècle dernier l’espèce était connue sur tous les reliefs qui bordent la vallée du Rhône jusqu’aux environs de Genève (Michelot 91). Mais les rapaces nécrophages, les charognards comme on dit aussi, ont longtemps fait les frais de leur mauvaise réputation. Ces «éboueurs» de la nature, essentiels aux équilibres naturels et inoffensifs, étaient détruits directement à la moindre occasion. L’usage de carcasses empoisonnées destinées à la lutte contre le loup a également entraîné un déclin rapide. Enfin, la déprise agricole et la diminution des cheptels domestiques dans nos montagnes (les mammifères sauvages étaient alors très rares), en réduisant les ressources de nourriture de l’espèce, ont fini par faire du percnoptère un des rapaces les plus rares de la région Rhône-Alpes (les grandes espèces de vautours quant à elles n’y ont pas résisté). En Gervanne, quelques anciens se souviennent de ce drôle «d’aigle blanc » qui fréquentait les falaises de Charousse ou du rocher de l’Aigle à Gigors. Un couple s’y reproduisait encore à la fin des années 50 avant d’être délogé, sans doute pour les raisons précitées. Le dernier couple de percnoptères drômois s’est maintenu dans les Baronnies jusqu’en 1980 avant de disparaître (Tessier). L’espèce ne remontrera le bout de ses ailes dans le département qu’une quinzaine d’années plus tard, ce qui coïncide avec le début du programme de réintroduction du vautour fauve en Drôme provençale. Il s’avère que la présence des grands vautours est extrêmement attractive pour le percnoptère. Deux couples se reproduisent à présent dans les Baronnies, un depuis 2000, le second depuis 2007 (Vautours en Baronnies).